La pellicule cinématographique brûle ; l’image s’effrite au soleil au moment précis où un liquide noir et mystérieux s’échappe des viscères de la terre et entre en contact avec l’atmosphère. Il y a de l’alchimie et de la magie dans ce nouveau projet d’Anna Franceschini. Une fascination pour la nature même de la pellicule, pour l’idée de pouvoir la restituer à la lumière du jour, afin de la soustraire à l’obscurité. Ne serait-ce que pour quelques secondes seulement, avant qu’elle ne s’efface. L’objet du tournage est une rencontre alchimique dans un lieu isolé, immergé entre ciel et mer. Une plateforme dans les mers du Nord qui assiste au miracle d’une apparition surgie des profondeurs. Le bleu se teinte de noir. Le pétrole se montre avant de disparaître, éclipsé par la lumière du soleil. Tel est le prochain lieu sur lequel le regard de l’artiste entend s’attarder, s’appesantir et se rassasier. Naguère maison de sports d’hiver, puis maison de repos pour musiciens et enfin fabrique de mannequins. La présence humaine s’est estompée jusqu’à disparaître totalement dans le film The player may not change his position, dans lequel les manèges d’un parc d’attractions tournent, uniquement pour les besoins du tournage de l’artiste. Le même qu’au Caire (Untitled - Almost lost, 2010).
Il s’est arrêté, l’espace d’un instant suspendu, sur le ciel étoilé imprimé sur un store brûlé par le soleil, tandis qu’il ondulait sur la porte d’entrée d’une mosquée, à la limite d’un passage obscur. Et puis, plus récemment, les partenaires sentimentaux avec lesquels Franceschini s’est plu à flirter ont été le Pianola Museum d’Amsterdam et le macabre atelier d’un taxidermiste. Le premier, traité comme une réflexion sur la peinture hollandaise de genre du 18ème siècle, avec son souci du détail et son intérêt pour les intérieurs domestiques. Tandis que le second porte en lui l’illusion du zootrope, de la roue de la vie, de ce dispositif optique du 19ème siècle qui permettait d’animer des images dessinées ou peintes. Quant à la lanterne magique, elle est un autre type d’invention mécanique. Dans Nothing is more mysterious. A fact that is well explained, l’artiste s’impose des règles, des restrictions. En deux mouvements seulement, il embrasse intégralement et à une hauteur donnée les deux pièces qui constituent le Pianola Museum. Avant de révéler, mais seulement à la fin et sans le moindre son d’accompagnement, le cylindre métallique sur lequel est transcrite une mélodie réalisée pour la circonstance, un quelconque début de film. Dans ces derniers travaux, parallèlement à l’analyse des lieux, apparaît également un intérêt métalinguistique déclaré, le désir d’analyser le lexique de la cinématographie. Quoi qu’il en soit, je me plais pour ma part à voir dans les films d’Anna Franceschini des Arcanes Majeurs en mouvement.
Milovan Farronato |
Born 1979, Pavia.
She lives and works in Amsterdam, The Netherlands.
Solo shows
2011: SCREENING ROOM: ANNA FRANCESCHINI - Kiosk Gallery, Ghent, Belgium
2010: RIJKSAKADEMIE OPEN STUDIO, Amsterdam, The Netherlands
Group shows
2010: videoREPORT ITALIA 2008-09, Galleria Comunale d’Arte Contemporanea, Monfalcone, Italy
Cairo Video Festival, Goethe Institut ///Townhouse, Cairo, Egypt
2009: Don’t Look Now - Non voltarti adesso, Ca’ Pesaro, Venice, Italy |